La santé des patrons de PME par Olivier Torrès

Mardi dernier, j’ai assisté à une conférence organisée par la CPME 22.

Le thème : entreprendre c’est bon pour la santé

Le titre spoile un peu la conférence !

L’intervenant Olivier Torrès est enseignant chercheur à l’Université de Montpellier et à Montpellier Business School. Il est également le fondateur de l’Observatoire Amarok qui est une association s’intéressant à la santé physique et mentale des travailleurs non-salariés (TNS): dirigeants de PME, commerçants indépendants, professions libérales, artisans

J’avais déjà eu l’occasion d’écouter Olivier Torrès il y a un an lors du Congrès National de FCE France où j’étais moi-même intervenante.

Le thème de mardi soir était sensiblement le même.

Sensiblement car cette fois Olivier Torrès a orienté son discours sur les PME, public présent de la soirée.

Olivier Torrès a, en premier lieu, dressé un état des lieux des PME dans le paysage économique, politique, juridique en France.

En quelques chiffres notamment :

99 ,84% des entreprises en France sont des PME

Les PME, c’est 7 millions de salariés et 3 millions de TNS (travailleurs non salariés) soit 10 millions d’actifs

4,5 millions de salariés dans les grands groupes nationaux et 5,6 millions de fonctionnaires.

Les PME représentent à peu près 50% du PIB de la France

Donc à la lecture de ces chiffres, Olivier Torrès nous fait comprendre que les PME représentent plus que les grands groupes nationaux.

Il explique ensuite qu’aujourd’hui, quand on parle de management, tout est basé sur le management des grands groupes nationaux et en aucun cas celui des PME.

Taylorisme, toyotisme, uberisation, GAFA…

et dans les écoles et universités, on apprend encore le management sur la base des grands groupes.

Olivier Torrès attire notre attention sur le fait que malgré la place économique importante des PME en France, elles sont minorées dans les livres, les écoles et du coup dans l’esprit de nos élites qui finalement prennent des décisions économiques, politiques, juridiques, sociales sur la base des grands groupes.

Tout ceci amène à des décisions non adaptées pour les PME, exemple : le compte de pénibilité.

« Les PME sont un géant économique mais un nain politique » dixit Olivier Torrès

Il précise bien qu’il ne cherche pas à dénigrer les grands groupes nationaux, il en est même fier mais il veut promouvoir la valeur des PME !

Donc, aujourd’hui, tout est construit sur les bases des et pour les grands groupes : syndicalisme, droit du travail, fiscalité…

Olivier Torrès a suggéré aux patrons de PME présents dans la salle d’écrire un livre sur la vie de leur PME et de dirigeant de PME.

Aujourd’hui, il existe une grand richesse d’archives sur les grands groupes comme Saint Gobain par exemple et il n’existe aucun écrit, archives à propos des PME.

Les PME sont dans une tradition orale….la transmission passe par l’écrit !

Voilà le décor qu’Olivier Torrès nous a planté avant de parler de la santé du dirigeant a proprement parlé !

« Je n’ai pas le temps d’être malade »

La réponse qu’Olivier Torrès a le plus entendu quand il a commencé ses recherches : « je n’ai pas le temps d’être malade »

Il a donc constaté un déni de la santé chez les entrepreneurs !

Voire certains entrepreneurs lui ont dit ne jamais prendre de vacances car quand ils étaient en vacances, ils tombaient malades !

Et c’est bien évident ! La surcharge est tellement importante que le corps une fois libéré de cette surcharge en vacances, il reprend ses droits et se fait entendre ! Le corps est là pour donner le signal d’alarme ! Et ça perso, j’en suis bien consciente !

En début de conférence, la présidente de la CPME Bretagne et Cotes d’Armor avait ironisé en disant que les seules fois où le pouls de l’entrepreneur était pris, c’était lorsqu’il demandant un crédit à une banque !

Et bien Olivier Torrès a fait une conférence auprès des 8 plus grandes banques en France en demandant un crédit ! Il a reçu les 8 questionnaires santé ! Il a pu constater où c’était plus intéressant d’emprunter si vous avez du cholestérol, une sclérose en plaques….etc…et selon les banques, ça va de 44 questions à 133 questions santé !!!

Voilà le seul moment où la santé du dirigeant préoccupe ! Il y a donc un déni, un tabou !

Olivier Torrès a identifié 4 facteurs pathogènes pour la santé de l’entrepreneur

 

1er facteur : le Stress.

Avec une différence entre le STRESS SUBI et le STRESS CHOISI

STRESS CHOISI : prise de parole, gros rendez vous client,…il y a là une satisfaction à faire

STRESS SUBI : aucun choix, il vient de l’extérieur et est délétère

Et ce n’est pas tant le stress qui est nocif que la durée d’exposition au stress

 

2ème Facteur : la surcharge de travail

OK le travail c’est bon pour la santé et il faut savoir limiter !

Olivier recommande d’être à l’écoute de son corps et de la fatigue ressentie.

Le Français dort 7h05 par nuit en moyenne quand le patron de PME dort 6h30.

Le patron de PME ne dort pas suffisamment

Le manque de sommeil engendre de la somnolence et sans compter la capacité d’entreprendre et de capter les opportunités qui est réduit !

Les patrons n’ont pas ou peu de problèmes d’endormissement, normal ils sont 2 plus fatigués que le reste des français.

En revanche, là où il faut être à l’écoute de sa fatigue et de son corps, c’est quand on se réveille en pleine nuit, alors pas pour aller aux toilettes mais bien pour gamberger, quand on se réveille de façon précoce genre 1h avant la sonnerie du réveil et quand on se sent fatigué dès le réveil.

Olivier Torrès prône la sieste même et surtout au bureau. 15/20mn ça suffit ! Et ça s’apprend !

Les patrons des PME s’auto exploitent ! Ils tirent sur la corde !

Et quand il y a un manque de sommeil c’est la qualité d’entreprendre et de manager qui en paie les conséquences.

 

3ème Facteur : l’incertitude des carnets de commande

Je crois que là il n’ y a pas trop d’explications à donner !!

 

4ème Facteur : la solitude de l’entrepreneur.

Olivier Torrès précise que le burn out est corrélé à la solitude entre autres facteurs

Et ils invitent tous les participants à sortir ! Pas en boite mais dans les réseaux voire les syndicats comme la CPME !

Ça, ce sont donc les facteurs pathogènes !

Il rappelle que lui a commencé à s’intéresser à la santé des entrepreneurs quand il a lu que le patron d’une entreprise s’était suicidé en laissant un mot à ses salariés « Pardonnez-moi de n’avoir pas pu redresser l’entreprise »  Entreprise Gamelin

L’article annonçant le suicide d’un entrepreneur était dans la rubrique  « faits divers » alors qu’un suicide chez Orange est dans la catégorie « faits de société »…..

Evidemment la conférence ne pouvait se terminer de la sorte…bonjour l’ambiance !

Les facteurs salutogènes

Olivier Torrès nous a annoncé que lors de ses recherches il avait aussi mis en lumière 3 facteurs salutogènes pour les entrepreneurs.

 

1er facteur : Le sentiment de maitrise de son destin

Un entrepreneur vit mieux qu’un fataliste ! Que celui qui a toujours une excuse.

 

2ème facteur : l’endurance

Olivier Torrès préfère le terme endurance à résilience et l’idée derrière ce 2ème facteur, c’est la capacité des entrepreneurs à tomber et se relever !

Il prône la valorisation de l’échec, du rebond et pense qu’il devrait être mis une culture et une pédagogie du rebond

 

3ème facteur : l’optimisme

Inutile d’apporter des explications sur le sujet. Olivier Torrès nous a parlé cela dit des pessimistes et nous a notamment donné une solution pour les pessimistes anxiogènes : la TANGENTE !!! dès qu’on les voit arriver de loin !!!!

En conclusion, entreprendre c’est bon pour la santé car les facteurs salutogènes pèsent plus que les pathogènes !

Cela dit, quels sont les filets de sécurité mis en place par la société, les politiques pour anticiper les possibles craquages ?

AUCUN Rien n’est  fait car les PME sont oubliées, sous représentées !

La PME a été mise en périphérie de la société du coup on la voit pas !

Olivier Torrès a donc créé l’Observatoire AMAROK il y a 10 ans pour faire ses recherches et aujourd’hui il souhaite que l’observatoire soit reconnu d’intérêt général pour apporter une représentativité aux PME

Vous pouvez le soutenir en devenant adhérent.e moyennant 20€ et quelques contributions 2 fois par an !

Pour être reconnu d’intérêt général, il faut au moins 10 d’existence et ça c’est ok et au moins 300 adhérents !

Cette conférence a été fort instructive, dynamique et dynamisante et Olivier nous parle de tout ça avec beaucoup de sérieux et aussi d’humour ! Et son humour est sa meilleure arme…le rire !